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Aujourd'hui je vous écris
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Nèg kont Nèg

Nèg kont Nèg

Nèg kont Nèg

J'entends dire de mes compatriotes - guadeloupéens, et par eux-mêmes qu'ils suivraient voire subiraient le complexe d'une forme d'animosité, réciproque, entre guadeloupéens même... On regroupe tous ces phénomènes, dit-on intériorisés, sous l'expression "nèg kont nèg"; ce qui voudrait dire plus précisément une confrontation... constante... entre guadeloupéens... et qui mènerait à des divisions. Précisons qu'il s'agit surtout là d'un "syndrome" qu'on retrouverait exclusivement dans la population noire des Antilles.

Vous remarquerez que j'adresse ces propos au conditionnel ? "Dit-on", "qui voudrait dire", "mènerait"... Cela est d'une raison simple : je n'y crois pas. Et je m'en vais vous dire d'ailleurs, pourquoi.

 

Mais que veut dire cette expression ?

Dans le même temps qu'on entend parler de ces rivalités entre les guadeloupéens, qui sont censés les avoir à cause de leur passé1, on voit la solidarité réputée, même légendaire, et avérée des gens de notre population se manifester. On aura envie de faire coïncider cette solidarité avec des occasions extrêmes, où elle deviendrait incontournable, comme lors des dégâts des cyclones et tempêtes par exemple (Cyclone Maria à la Dominique en 2017, en Haïti, etc). Mais cela n'en est rien, car, l'organisation méticuleuse qui se met en place alors, relève de mécanismes enfouis tels, qu'ils sont plus que de l'instinct. À tel point que j'entends dire de ces mêmes individus, qu'ils se distinguent particulièrement pour leur solidarité...

La définition qu'on apporte à cette expression regroupe tout à la fois qui est de nature à apporter du conflit entre deux personnes; et en outre l'on en parle comme s'il s'agissait d'un comportement quasi-naturel chez nous.

Quel mouche les a t-elle piqué ?

Il me faut donc plusieurs arguments en ma faveur pour vous démontrer le contraire. En voilà quelques-uns.

D'abord l'existence passé d'un système de tontine en Guadeloupe prouve d'une part que la solidarité FAIT partie du monde guadeloupéen. Nous n'allons pas nous étendre sur la présence de ce système. Je vous renverrais simplement pour cela à l'étude de l'anthropologue Luciani Lanoir Létang Des rassemblements d'esclaves aux confréries noires.

Nous pouvons passer au prochain argument en faveur de la solidarité, qui est aussi d'ordre social. On parle rarement du koudmen aujourd'hui, qui est pourtant intégrante de notre comportement passé. Les individus, an tan lontan, n'avaient pas les moyens de payer, soit, par exemple, des travaux, ou des réparations, ou d'autres petites choses du quotidien. Pour illustrer ce phénomène je prendrai l'exemple d'une personne qui voulait déboiser son terrain puis raccorder sa maison au réseau d'eau courante, à une époque intermédiaire de notre développement. Les gens vivaient alors souvent dans des cases de fortune en tôles/bois. Celle-ci avait fait appel à des connaissances pour l'aider à réaliser les travaux à titre privé, sur son terrain. De nos jours il serait certainement moins facile de refaire des travaux comme ceux-là sans être inquiété par les services publics.

Et enfin, pour boucler notre tour, succinct, des preuves de solidarité dans le pays, terminons sur le plan économique. Là où justement, on accuse le plus le peuple guadeloupéen de n'être pas solidaire. Un simple coup d'oeil va suffire. Avez-vous déjà observé que nos relations professionnelles, bien qu'elles puissent comporter des questions évidentes d'intérêts, tournent souvent autour d'un réseau de proches ? Le même reproche que l'on fait ici, à savoir, que les guadeloupéens réservent les places importantes à des gens de leur entourage (familial, d'ami, de connaissances sûres, etc) peut également servir de support à l'argument que les guadeloupéens pensent d'abord à s'entraider...

On ne peut désormais nier que les guadeloupéens, SONT solidaires. Et on ne va même pas pour cela chercher à vérifier que les guadeloupéens choisissent sur le plan politique aussi, les personnes qui sont le plus à même de défendre leur intérêt local, qu'importe l'implication pro-colonialiste du gouvernement national. Car, en effet, c'est justement pour avoir ce contre-pouvoir, plus ou moins modéré, que nous effectuons nos choix en matière politique.

J'espère en tout cas vous avoir convaincu de cette réalité très prégnante.

 

 

Note :

1 : Nous aurons l'occasion d'aborder le sujet de la division entre les esclaves, orchestrée par le système esclavagiste dans un autre article.

 

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